Marché de Phalempin une dynamique tous légumes
En créant la coopérative Marché de Phalempin, les agriculteurs ont préservé la production de légumes dans la région de Lille. Ils l'ont même renforcée.
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Dans les années quatre-vingt, un professeur d'économie de l'université de Lille avait prévu une disparition à terme de la production de légumes dans les exploitations de petite taille autour de la capitale régionale, et leur transfert dans celles de grandes cultures du sud de la région Nord-Pas-de-Calais. Trente ans plus tard, les légumes constituent toujours une part significative du chiffre d'affaires de bon nombre d'agriculteurs de la région lilloise, et l'éventail d'espèces produites s'est même élargi. « Nous avons fait mentir les prédictions économiques », sourit André Tondeur, producteur d'endives à Flines-lez-Raches, et président de la coopérative Marché de Phalempin, depuis 1999. L'économiste avait sous-estimé la détermination des agriculteurs du Nord-Pas-de-Calais, et surtout la volonté d'une poignée d'entre eux, de se doter d'outils capables de garantir une valorisation suffisante de la production. Et ainsi de permettre aux exploitations de rester rentables. Le cadran mis en place en 1974 ne fonctionnait pas bien et l'union de coops qui existait à l'époque, l'Urame, avait des difficultés. « Deux d'entre elles, la Sipev dans le Pévèle et Sipewa dans les Weppes ont décidé dans un premier temps de se rapprocher, puis de fusionner en 1994 pour former le Marché de Phalempin », souligne Laurent Bouchart, son directeur. Les deux coopératives avaient à peu près la même taille, autour de 15 000 à 18 000 t, des bassins de production très proches, l'un à l'est de l'autoroute A1, l'autre à l'ouest, et la même culture d'entreprise. « Dès l'origine, l'objectif du Marché de Phalempin était d'organiser la production et de regrouper l'offre pour peser sur le marché et ainsi être capable de défendre un prix, indique André Tondeur. C'est toujours le même aujourd'hui. » Pour être efficace, la coopérative s'est dotée dès sa création, d'un tout nouveau centre de préparation des commandes et d'expédition des légumes de 10 000 m2 à Phalempin, à proximité immédiate d'une sortie d'autoroute. Elle a aussi transformé les deux sites d'origine, de Cysoing (Nord) en centre de stockage d'endives et de Violaines (Pas-de-Calais) en centre de stockage et de conditionnement des endives, oignons et choux. Depuis, la physionomie des deux bassins de production de légumes a bien changé. Les exploitations se sont regroupées et le nombre de producteurs est passé de 600 à 200 ! Mais les volumes se sont maintenus.
La règle de l'apport total
« Chez nous, la règle est l'apport total, précise André Tondeur. Pour être efficace, c'est la seule façon possible de fonctionner. Les adhérents peuvent bien sûr vendre un peu de légumes à la ferme, auprès de leurs voisins, mais c'est la seule exception à la règle. Nous veillons aussi, depuis la création, à respecter les vraies missions et les vraies valeurs d'une coopérative, à savoir un homme = une voix, l'équité de traitement entre producteurs, une transparence absolue dans la gestion, et la recherche pour les adhérents de la meilleure valorisation possible de leurs produits. » Dans la même logique, en endives, Marché de Phalempin adhère, avec cinq autres coopératives, à Perle du Nord. Cette union de coops qui représente 50 % de la production nationale d'endives, n'a de cesse de chercher à valoriser les prix, en pesant sur les marchés, mais aussi en améliorant la qualité et en segmentant l'offre. « La coopérative fonctionne avec des déclarations d'emblavement, précise Laurent Bouchart. Elle planifie avec ses adhérents la production, et s'engage à commercialiser l'ensemble de leur production. » Les agriculteurs bénéficient sur le plan logistique, d'un système de ramassage quotidien des légumes. « A l'exception des oignons, tous les légumes et les fraises sont conditionnés chez les producteurs », indique-t-il. Une fois arrivés sur le site de Phalempin, les lots sont vérifiés par l'agréeur avant d'être regroupés par commande et expédiés. « L'un de nos atouts est l'expédition des légumes le jour même, ce qui leur permet d'être disposés en magasin, à J + 1 de la cueillette, de la récolte ou de la sortie des salles pour les endives, précise le directeur. C'est capital, nos fraises peuvent être cueillies mûres ! » Et c'est probablement la clé de leur notoriété dans la région. 90 % de la production, tous légumes confondus, est expédiée hors du Nord-Pas-de-Calais et 15 % à l'exportation vers l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne... et même jusqu'en Israël. En France, la GMS représente 85 à 90 % des débouchés de la coopérative, les grossistes, 10 à 15 %. Le Marché de Phalempin s'intéresse aujourd'hui à la restauration collective régionale, de plus en plus demandeuse de produits locaux.
Une offre multiproduit
La coopérative du Nord s'appuie sur sa bonne structure financière pour soulager la trésorerie de ses adhérents. Ses clients règlent leurs achats à trente jours fin de décade, mais elle règle ses adhérents de huit à quinze jours après livraison. La coopérative les aide à constituer les dossiers de demande d'accès aux fonds opérationnels fruits et légumes de l'Union européenne. Elle met un point d'honneur à maintenir son coût d'intermédiation à un niveau le plus bas possible. Il est actuellement autour de 10 % du chiffre d'affaires. Pour fonctionner, elle s'appuie sur une équipe de quarante-cinq salariés dont dix au service commercial, dix à l'expédition, trois au service technique et quatre responsables relations culture. En dehors des emballages qu'elle rétrocède à ses adhérents à prix coûtant, l'entreprise ne fournit pas de produits d'approvisionnement. L'un des autres points forts de la coopérative est l'animation technique pour optimiser rendement et qualité des produits, mais aussi le « marketing technique » pour identifier les nouveaux besoins des consommateurs, introduire de nouvelles variétés et mettre au point leur itinéraire cultural... « En fraises, nous avons quasiment démarré de zéro, remarque André Tondeur. Cette production sous serre ou en pleine terre, est très complémentaire des endives. De nombreux producteurs s'y sont lancés. » Cela a été le cas récemment pour les navets, les potimarrons, les endives rouges, jeunes pousses ou barbucine... et le bio. « Nos clients sont demandeurs d'une offre multiproduit, c'est un atout de pouvoir élargir notre offre, ajoute Pascal Delebecque, responsable développement. Le Marché de Phalempin a également été moteur dans l'obtention en 2014, du Label Rouge endives de pleine terre. » La diversification et la segmentation de l'offre passent aussi par les modes de production. « Sur cinquante producteurs de fraises, une quinzaine est aujourd'hui en PBI, protection biologique intégrée, précise Pascal Foulon, responsable technique de la coopérative. Le bio se développe par ailleurs, et nous accompagnons les producteurs qui souhaitent s'y lancer, en essayant de bien mesurer les avantages et les contraintes selon les productions. » Une grande partie de la production est certifiée Global Gap. « Nous sommes ouverts à toutes démarches de certification ou de développement durable, reconnaît Fabienne Fruchart, responsable assurance qualité. »
Un agrément des lots
Les producteurs disposent du classement de leurs lots, au quotidien, sur le site extranet de la coopérative. En cas de litige, une commission agréage, composée uniquement de producteurs, se réunit et arbitre en fonction des éléments fournis par le producteur et l'agréeur. « A chaque assemblée générale, nous demandons aux agriculteurs s'ils souhaitent ou non maintenir l'agrément des lots qui représente tout de même un coût non négligeable pour la coopérative, remarque André Tondeur. Et chaque année, la réponse est la même, les producteurs veulent absolument le garder, pour garantir des produits de qualité. » Pour les années à venir, le président de la coopérative est assez confiant. « Nos adhérents nous restent très fidèles, c'est la preuve qu'ils sont satisfaits. » André Tondeur souhaiterait même ouvrir la marque Perle du Nord qui a démontré son efficacité, à d'autres légumes.
Blandine Cailliez
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